Telle est la conclusion d’une étude menée par la neuro-scientifique Shane O’Mara dans son ouvrage Pourquoi la torture ne marche pas, l’interrogatoire à la lumière des neurosciences. Elle démontre que la torture est impuissante à sonder la mémoire parce qu’elle la détruit au lieu de la produire.
La défaillance organique ou physiologique qui résulte de la torture est contre-productive dans la mesure où le cerveau n’est plus capable d’assurer ses fonctions régulatrices habituelles. La torture paralyse ses fonctions mnésiques. On sait aujourd’hui que la mémoire ne sert pas avant tout à enregistrer fidèlement les expériences, elle “se construit et se reconstruit”, comme un texte en train de s’écrire.
Il n’y a pas “la mémoire”, mais plusieurs systèmes mémoriels (long terme, épisodique, de travail, de rappel).
Ensuite, enregistrement et rappel sollicitent des zones cérébrales différentes. C’est tout ce fonctionnement que la torture perturbe et détruit.
D’où son inefficacité à produire des aveux fiables.
Les travaux de Shane O’Mara font ainsi tomber la justification majeure de la torture par tous les tortionnaires, du général Aussaresse au colonel Galindo : il faut rapidement faire avouer un suspect pour déjouer des attentats, sauver des vies, capturer d’autres opposants. La torture apparaît alors comme un pur abus de pouvoir qui vise à briser des vies, humilier et casser des individus, terroriser les opposants et la population qui les soutient, asseoir la domination du peuple ou du groupe dominant et de ses institutions.
La pratique de la torture et ses horreurs doivent être connues parmi la population dominée à qui elle est administrée et il faut que celle-ci se souvienne des méthodes utilisées.
4113 cas de torture sont recensés
de 1960 à 2013,
dans le rapport réalisé par l’Institut de criminologie
de l’Université du Pays-Basque,
à la demande du gouvernement de Gasteiz.
D’Unai Romano au directeur du quotidien Egunkaria Martxelo Otamendi, on sait que la torture est une pratique policière très répandue en Pays Basque. Ces deux hommes font partie des 4113 cas recensés de 1960 à 2013, dans le rapport réalisé par l’Institut de criminologie de l’Université du Pays-Basque, à la demande du gouvernement de Gasteiz.
L’histoire de ce phénomène politique reste encore à écrire. Et pour ce faire, il ne faut pas compter sur les associations de victimes du terrorisme ou le Centre mémoriel des victimes du terrorisme. Seul le “terrorisme” mis en oeuvre par le peuple dominé les intéresse. Le terrorisme d’État n’existe pas. Ses milliers de victimes non plus.
Shane 0’Mara : Pourquoi la torture ne marche pas, l’interrogatoire à la lumière des neurosciences, Markus Haller, 362 p. 26 euros.