Témoignages d’une lutte féministe exemplaire

ERresidentziakCe jeudi 7 mars à 20h00, lors d’une conférence au local de la Fondation Manu Robles-Arangiz à Bayonne,  Onintza Irureta, journaliste d’Argia nous présentera comment une grève de 378 jours dans les EPHAD de Biscaye est devenue une lutte féministe exemplaire.  L’auteure du livre “Berdea da more berria” recueillant les témoignages des grévistes  interviendra en euskara et la traduction simultanée en français sera assurée par casque audio. Cette conférence est organisée à l’occasion et la veille de la Journée Internationale des Droits des Femmes par les groupes “Ekofeminismoa” et “Euskaraz Bizi!n” de Bizi!.

L’article “Les femmes à la pointe du combat syndical” d’Enbata.Info de décembre 2017, utile pour toutes celles et ceux qui veulent en savoir plus sur la conférence de jeudi,  est disponible ci-après et explique comment après deux ans de lutte, dont plus d’un an de grèves, les soignantes des maisons de retraite de Biscaye ont remporté, avec le syndicat ELA, une “victoire historique” qui questionne la discrimination des femmes dans le monde du travail et leur avenir dans la lutte syndicale.

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C’est la plus longue grève de l’histoire de Biscaye et elle a été menée presque essentiellement par des femmes. Un travail titanesque de mobilisation qui a duré deux ans et cumulé 370 jours de grève. Un combat exemplaire qui vient de se solder fin octobre par une belle victoire, non seulement pour améliorer les conditions de travail et de vie dans ces maisons de retraite de Biscaye, semi-publiques, mais plus largement pour réformer tout un secteur précaire et féminisé qu’une idéologie tenace associe à un travail d’appoint des femmes et au salaire qui en découle. Derrière cette lutte, menée par le syndicat basque ELA, s’immisce la question de l’égalité des sexes et des apports de la lutte syndicale dans la reconnaissance des droits des femmes. Et peut-être même, à l’inverse, de l’apport des femmes dans le combat syndical. Car par ces temps de morosité sociale, cette victoire musclée s’impose comme une leçon à tirer pour, a minima, rééquilibrer les forces. Ce n’est certes pas encore le grand soir mais en obtenant notamment la semaine à 35h, un salaire minimum de 1200€ net, une revalorisation des primes et une meilleure couverture en cas d’accident de travail ou de maladie professionnelle (lire ci-dessous), les employées de ces résidences du troisième âge ont obtenu ce qu’elles demandaient. Il faut dire qu’elles partaient de conditions de travail particulièrement précaires. Mais le butin, qui sera échelonné sur 5 ans, a aussi une portée symbolique et dans ce registre, les victoires sont importantes.

Grève de femmes

D’abord, parce que cet accord, qualifiée “d’historique” par le secrétaire général de ELA, Adolfo “Txiki” Munoz, a débouché sur une convention collective qui a également été adoptée par deux autres groupes gérant les maisons de retraite. Ensuite, parce que cette victoire, marquée d’une pierre blanche, ouvre la porte à un combat féministe mettant en lumière les conditions inégalitaires de travail des femmes. Cette longue “grève de femmes” qui a occupé l’espace public, n’était pas seulement le fait d’une imposante représentation féminine mais la conséquence d’une projection stéréotypée de la société pour des métiers féminins. Les femmes s’occupent des autres comme elles s’occupent des enfants, par une sorte de vocation qui les privent d’autant mieux de reconnaissance qu’elles sont censées s’en contenter comme d’une activité bienfaitrice pendant que leurs époux travaillent plus sérieusement. Et se réjouir d’un complément de salaire pour le foyer. Une idée récurrente, qui n’est pas le seul fait de la mauvaise volonté d’une entreprise dans une logique d’intérêts privés. Car l’Association de gestionnaires de centres du troisième âge Gesca, qui administre le centre de Bilbao, est financée à 70% par la diputacion de Biscaye. Ce qui place directement cette question des tâches précaires dévolues aux femmes au coeur du débat public. Et du constat public que la société a encore un long chemin à parcourir vers l’égalité des hommes et des

Caisse de résistance

Une attitude qui aurait eu raison de bien des conflits sociaux. Mais c’était sans compter sur la pugnacité de ces femmes, qui malgré une lourde campagne de culpabilisation et des accusations diffamatoires d’abandon des personnes soignées ou de mauvais traitements, ont su faire face avec énergie, générosité et enthousiasme à ce long combat. “Zaintzaileak zainduz, bizitza zaindu !” (“en prenant soin des soignants, prends soin de la vie”) clamait leur slogan. “Aujourd’hui, après tant de souffrances, de nuits sans dormir et des dizaines de manifestations ou de regroupements, nous pouvons clamer haut et fort et avec beaucoup de fierté que nous n’avons pas cédé au chantage et obtenu une grande victoire syndicale” ont déclaré les travailleuses, le 27 octobre dernier, au terme de leur mouvement. Pour tenir 370 jours de grève, il faut aussi une solide logistique, qu’assure le syndicat ELA, majoritaire au Pays Basque, avec notamment sa fameuse caisse de résistance. Un fond destiné à soutenir financièrement les grévistes, prélevé directement sur les cotisations syndicales des 100.000 adhérents. Un trésor pour la guerre qui est une particularité de ce syndicat —avec “la solidarité entre les travailleurs”— et permet d’établir un solide rapport de force lors de négociations. Quand on sait que le syndicat peut permettre aux grévistes de tenir financièrement pendant des mois ou des années, on est plus enclin à discuter en amont. En théorie, cette caisse de résistance est donc une arme de dissuasion massive mais il faut croire qu’il faille appuyer sur le bouton de temps en temps pour rappeler cette réalité. En l’occurrence, même s’il est aussi question d’argent public, le recours à cet extrême n’aura pas été dénué d’intérêt public.

Femmes et précaires

Car les grévistes ont elles-mêmes souligné la nature “sociale et féministe” de cette lutte qui a permis de rendre sa dignité au métier de soignante. Au-delà du simple conflit syndical, il s’agit bien de discrimination des femmes, du droit à l’égalité salariale et d’une double violence qu’exercent ces dominations sociale et de genre. Malgré les législations dans les pays européens, les inégalités entre les travailleuses et les travailleurs questionnent la capacité des syndicats à obtenir des avancées par la voie de la négociation collective. Si ce problème constitue un enjeu secondaire de la majorité des syndicats, qui ne mesurent pas le caractère systémique de la sous évaluation du travail féminin, il constitue pourtant un enjeu syndical essentiel, comme l’illustrent les résultats des syndicats britanniques qui, ces cinquante dernières années, ont obtenu des législations en faveur de l’égalité salariale et en assurent la défense. Faut-il pour cela que les femmes accèdent aux fonctions syndicales, encore dominées par les hommes, même si les syndicats se sont largement féminisés, dans les instances de direction comme à la base. Inclure cette donnée féministe dans une perspective syndicale est un formidable levier de syndicalisation en même temps qu’un pari fédérateur pour une société plus juste. C’est sans doute pour cette raison que la responsable des égalités au sein du syndicat ELA, Leire Txakartegi, s’exclame, au lendemain de la victoire des employées des maisons de retraites : “le syndicalisme devra être féministe”.

Principaux points d’accord

Les principaux points d’accord obtenus par les grévistes seront appliqués progressivement d’ici 2022 et concernent :

1- Les 35 heures hebdomadaires qui font passer la durée annuelle du travail de 1698 heures à 1582 heures. Le temps de repas de 20 minutes est inclus dans le temps de travail. La formation devient partie intégrante du temps de travail à hauteur de 20h.

2- Augmentation salariale de plus de 140€ par mois. Le bonus du travail le dimanche passe de 1,70€ à 2,75€ de l’heure. L’indemnité du travail de nuit augmente également.

3- Versement de 100% du salaire en cas d’accident de travail ou de maladie professionnelle.

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