Le procès en assises du médecin Nicolas Bonnemaison a permis d’entendre, à défaut de voir, ce que peut être la fin de vie de la bouche même d’urgentistes et de médecins en soins palliatifs. La fin de l’acharnement thérapeutique (permise par la loi Léonetti de 2005), ne donne pas la possibilité de mourir dans la dignité. En effet la personne en fin de vie meurt par l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation…
Ainsi donc la cour d’assises de Pau a rendu, le mercredi 25 juin, un verdict d’acquittement du Docteur Nicolas Bonnemaison, qui fut accusé d’avoir commis sept empoisonnements.
Cette affaire, on le sent bien, ne fait pas simplement jurisprudence. Elle est au coeur d’un séisme hospitalier, médical, humain, éthique, philosophique, religieux et politique. Elle est à la fois complexe et singulière.
C’est un tsunami dont on pressent que les conséquences débordent de tous côtés, s’infiltrent dans toutes les strates de la société française et sûrement au delà.
On touche à un tabou : le passage de la vie à trépas et son corollaire “Tu ne tueras point” qui nous colle aux doigts comme le sparadrap du capitaine Haddock dans “L’affaire Tournesol”.
C’est le râle final !
Certes, il faudrait faire quelque chose contre la mort! Pour l’instant on doit faire avec. Et on le fait avec beaucoup d’hypocrisie. Ce procès en assises, s’il n’est absolument pas le lieu adapté, ni pour faire comparaître un médecin tel que Nicolas Bonnemaison ni pour ergoter d’éthique, nous aura permis d’entendre, à défaut de voir, ce que peut être la fin de vie de la bouche même d’urgentistes et de médecins en soins palliatifs. Des témoignages poignants dont celui de Bernard Kouchner sont venus situer la complexité du sujet abordé mais aussi les limites de la loi Léonetti de 2005 qui, si elle peut permettre la fin de l’acharnement thérapeutique, ne donne pas la possibilité de mourir dans la dignité puisque la personne en fin
de vie meurt par l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation…En clair, on meurt de faim et de soif.
Si l’ancien ministre de la Santé sous Mitterrand a fait mouche, c’est qu’il a indiqué qu’il se sentait responsable de n’avoir pu faire une loi qui permettent vraiment d’abréger les souffrances notamment en accélérant le processus de l’extrême fin de vie. Et très clairement, il a précisé que les chefs des principales religions en France (sauf un) se sont opposés a aménager l’inéluctable : il faut souffrir pour gagner le paradis. La question fondamentale à travers un débat fondamentalement sociologique est bien de savoir quel sens nous donnons à l’agonie.
L’hôpital qui se fout de la charité ?
La direction de l’hôpital a fait très fort depuis le début de l’affaire durant l’été 2011.
Après dénonciations de six personnels de santé, elle se rapproche du procureur de Bayonne sans même rencontrer le Docteur Bonnemaison qui se fait cueillir le lendemain matin sur son lieu de travail. Pendant qu’elle ordonne le silence des personnels de santé, elle octroie trois semaines de congés supplémentaires au personnel accusateur tout en leur fournissant des voitures de fonction pour se rendre au procès. Elle a voulu faire du docteur poursuivi la seule victime d’un manque de communication et de régulation interne, d’une organisation hospitalière parfois défaillante. La seule victime d’une loi inadaptée et d’une hypocrisie trop générale face à la complexité et la fragilité de notre système de soins.
Lequel est, au sein de l’hôpital, une micro société où des dysfonctionnements émergent, clivant les personnels soignants, entraînant rivalités, souffrances, jalousies et coups fourrés.
Maréchal nous voilà !
Ainsi naquit le 7 octobre 1940 un Ordre des médecins sous le gouvernement de Vichy. C’est en juillet 1943, que le Conseil supérieur de la médecine devient le Conseil national de l’ordre des médecins. La revue Le concours médical éditée de 1940 à 1944 a véhiculé auprès du corps médical les décisions adoptées par le Conseil de l’Ordre concernant le recensement et l’application des mesures d’interdiction des médecins étrangers et juifs.
En prononçant une mesure de radiation contre le docteur Nicolas Bonnemaison avant la justice pénale, cette juridiction d’exception méprise le droit. Ancien président départemental et actuel vice-président, en croisade contre la grande majorité des membres du conseil départemental 64 (dont on doit saluer le courage), le docteur Marc Renoux, qui porte la même croix que son guide Aillet et ses corbeaux, ne l’emportera pas au paradis.
La bataille qui s’annonce est bien celle de vouloir radier cet ordre des médecins d’un autre temps.
Pour l’anecdote, la suppression de l’Ordre faisait partie des 110 propositions de l’engagement du candidat Mitterrand à la Présidence de la République, qui qualifiait l’institution ordinale d’“offense pour la démocratie”. Celui qui a reçu l’Ordre de la Francisque début 1943, en faisant allégeance au Maréchal, n’a pas tenu sa parole. Pétain, c’est dingue!