Trêves de comptoir

TrèvesJosette employée à l’office de tourisme de Biarritz et Beñat, ASH à l’hôpital de Bayonne, devisent entre cousins.

Josette : Alors Beñat, quoi de neuf à l’hôpital ?

Beñat : Bof, l’hôpital se fout toujours autant de la charité que du service public. Les femmes qui restent moins de 48h après leur accouchement… Les vieux qu’on ne lève plus et qu’on ne douche qu’une fois par semaine voire par quinzaine, pas par absence de coeur et de conscience professionnelle mais par manque de bras et de jambes de soignants de la gériatrie… Une direction qui fait du zèle uniquement pour appliquer les directives hexagonales, le doigt sur la couture… C’est vraiment pas la joie ! Et toi à l’office du tourisme ?

Josette : Ben, là on vient d’avoir un événement exceptionnel fin juin : le village des Casetas. Il fallait trouver quelque chose de typique propre à la ville. On est dans l’artificiel et on fait croire à de l’authentique. Bon c’est comme çà qu’on le vend à Biarritz. En fait, ce sont les restaurants du coin qui s’y installent et on l’intègre dans le package made in Pays Basque. Et ça marche !

Beñat : Vous êtes trop forts les biarrots ! A Saint-Jean-de-Luz, ils font encore plus forts : ce sont les associations locales qui tiennent les stands des Casetas mais ils passent du flamenco, musique stridente typique locale de la cité balnéaire, en boucle toute la journée. Un vrai piège à toutous et ça marche aussi !

Josette : Oui, c’est énorme ! En matière de politique touristique, on dévoie la culture des autochtones et personne ne pipe mot ! Quand je pense que dans les années 80, les offices de tourisme et autres syndicats d’initiatives sautaient à tour de bras ! Les jeunes plastiqueurs dénonçaient la “touristification” à outrance, qu’ils disaient. Ils rajoutaient qu’une économie basée sur le tout tourisme, c’était la fin des haricots ! Ils voulaient lutter contre la loi de l’offre et de la demande, réguler tout cela, contre la colonisation de peuplement, contre la prolifération des maisons et appartements secondaires, contre le travail précaire des saisonniers ! Presque 40 ans après, certains qui pensaient ça gèrent aujourd’hui des offices de tourisme et c’est pire qu’avant ! Ouaaaouh !

Beñat : Sans compter ces vieux riches fachos qui quittent la côte d’Azur et achètent ici parce qu’au Pays Basque, “ils n’y en a pas beaucoup”. Ça doit leur faire drôle qu’ici on accueille les migrants à bras ouverts et on leur dit “Ongi etorri errefuxiatuak” ! Si on pouvait nous aussi “choisir” nos migrants : on vire les premiers et on garde les seconds !

Josette : Dis donc, toi le Bayonnais, t’es content que l’AB rugby-pro accède de nouveau à l’élite au travers du Top 14, non ?

Beñat : Heuuuuuh… Ben, oui, je vais renouveler ma carte… Mais bon, on risque de prendre des dérouillées, des roustes, des fessées, des trempes, des branlées, des raclées, des gifles, des tôles, des dégelées… Bref, la totale, quoi ! Sauf, si un miracle se produit…

Josette : Il faut sortir de cette querelle de clochers, de ce duel séculaire et mortifère entre nos deux villes ! L’amateurisme, c’était il y a 20 ans ! Eta gaur, ez da aski sosik ! Mais comment faire entendre raison aux deux maires, à certains supporters ?

Beñat : Il faut passer d’une réaction hormonale ou tripale à une réflexion neuronale ! Changer de paradigme, de cadre. Prendre de la hauteur et regarder le territoire dans une vision plus cohérente. 1 + 1 n’est pas forcement égal à 2 mais cela permettrait d’engager une nouvelle dynamique en s’appuyant sur l’image et l’identité du Pays Basque dans son ensemble. Celui des 7 provinces.

Josette : Eta bai ! Il y a des conventions à passer avec le gouvernement basque, avec des grandes entreprises, des clubs qui se développent en Pays basque Sud ! Pourquoi vouloir toujours se tourner vers Paris ?

Beñat : Oui, on garde les deux clubs amateurs, et on crée une entité propre à l’équipe professionnelle. Cela me paraît être frappé au coin du bon sens !

Josette : Oui, comme des pistes cyclables sécurisées qui font cruellement défaut tant à Bayonne qu’à Biarritz. Y’en a pas une pour rattraper l’autre ! Ils n’ont même pas profité de la rénovation des voies de circulation dédiées au Tram’bus pour les aménager partout ! Il faudra que les cyclistes revêtent les costumes de Dark Vador ou des tortues Ninjas pour avoir une certaine protection !

Beñat (chantant) :A Bayonne on accède au Top 14 et à Biarritz vous avez le G7 ! Laï, laï, laï, laï,…

Josette : Tu rigoles mais nombre de personnes se posent la question ou plutôt les questions : pourquoi un G7 à Biarritz et en plein mois d’août ? En fait, pourquoi un G7 tout court ? Dans cette débauche d’énergie, de temps et d’argent, ne peut on pas, à l’ère des vidéos conférences, échanger, partager de façon sobre et efficace dans un climat serein ?

Beñat : En parlant de climat, tu as vu cette jeune capitaine allemande du navire humanitaire Sea-Watch qui a accosté de force au port de Lampedusa en Italie afin de mettre à l’abri une quarantaine de personnes épuisées ? Le gouvernement facho italien l’a arrêtée et elle risque de trois à dix ans de prison pour “aide à l’immigration clandestine”.

Josette : C’est du grand n’importe quoi. Quand tu vois que le gouvernement français remet la médaille d’honneur à des joueurs de foot millionnaires… Tu te dis que c’est elle qui représente la quintessence de l’humanité. C’est elle qu’il faut citer en exemple devant toute les jeunesses du monde !

Beñat : Et ces militants pacifistes gazés à Paris par les CRS ? Cela me rappelle toutes les exactions des forces dites de l’ordre durant le conflit des Gilets jaunes avec des éborgné. e.s, des mains ou des visages arrachés. Comme celui de Lola à Biarritz justement et qui attend que l’enquête débute. Ce qui est grave dans une démocratie, c’est quand un Etat protège à ce point des comportements couverts par toutes les hiérarchies et par un pouvoir, quel qu’il soit. Décidément, un état policier, c’est vraiment un pléonasme !

Josette : Bon, pour parler d’un sujet plus joyeux : et ces fêtes à Bayonne, ça se présente comment ?

Beñat : Ho, moi tu sais, je vais juste y faire un tour : les cinq jours et un peu la nuit ! Bon, après, les plus belles fêtes de Bayonne c’est la fête de la musique. Cette année encore. La municipalité, hormis de faire payer les fêtes, ne bouscule rien. Or, il faudrait tout revoir de A à Z. A commencer par donner la parole aux habitants, les premiers concernés. Il ne doit pas y avoir de sujets tabous : la date, la durée, le contenu… Moi, je rêve que ce soit vraiment d’abord la fête de celles et ceux qui y habitent avec de la musique vivante partout sans sonos et comptoirs extérieurs. Une fête à la fois du Pays Basque et de la diversité culturelle et générationnelle avec beaucoup moins de monde. Une fête à taille humaine quoi ! Avec moins d’excès et de violence surtout à l’encontre des femmes.

Josette : Oui, un peu d’amusement intelligent dans un monde de brutes !

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