Txik Txak. Bus Express. Ligne 11. Départ, Bayonne, place des Basques. Arrivée, Tardets-Sorholus, mairie. Et inversement. Une centaine de kilomètres. Le voyage dure 1h50 environ. Le bus du transporteur saint-palaisien Hiruak Bat se fraye un passage dans 25 communes parmi lesquelles Bidache (1370 habitants), Saint- Palais (1838 habitants) et Mauléon-Licharre (2954 habitants) se détachent. Long chapelet de communes et leurs arrêts prévus. Service maximum du lundi au vendredi. Service allégé le samedi. Repos dimanches et jours fériés. 2 euros le voyage et 4 euros l’aller-retour dans le cadre d’une utilisation “exceptionnelle”, hors abonnements et groupes(1).
Ce pourrait être une fiche d’identité banalisée, dressée par une collectivité désireuse de structurer un territoire quelconque. Il n’en n’est rien puisque l’on se trouve en Pays Basque ! La ligne 111 fonctionne bien, portée par une attente palpable de la population. Elle est emblématique alors que la Soule, administrativement rattachée au Béarn (arrondissement d’Oloron), adhère “en même temps” à la Communauté d’Agglomération Pays Basque (158 communes, plus de 315 000 habitants).
La structure (lancée le 1er janvier 2017) dont la tête de pont est fixée à Bayonne a, entre autres, pour mission d’équilibrer son territoire. Obligation, devenue impératif majeur, comme on a pu l’observer lors de la campagne précédant les municipales des 15 et 22 mars 2020. En dépendront la désignation des délégués communaux. 233 pour l’heure. La grande majorité d’entre eux aspirent à une réelle proximité entre leurs communes et une Agglo tentaculaire qui devra s’appuyer sur une dizaine de pôles territoriaux. Le bus fait donc son chemin dans cet épineux contexte.
Le voyageur, lui, a tout le temps de mesurer cette distance partagée par d’autres zones rurales. Iholdy, Saint-Etienne de Baigorri, Saint-Jean-Pied-de Port… Distance lourde à assumer pour beaucoup, source d’attentes insatisfaites, d’aigreurs et de déceptions, voire de colères.
Plus qu’un voyage, un observatoire
Le monde attire le monde, la faible densité effraie. Dans ce contexte, Tardets-Sorholus- Bayonne (et inversement), est bien plus qu’un simple périple, c’est un observatoire.
Qui s’y retrouve ? En direction du BAB, des salariés grimpent dans le bus, notamment aux arrêts de Bardos et Briscous, bourgades se défendant de devenir des communes-dortoirs. Dans la portion Bidache-Saint-Palais-Mauléon- Licharre, nombre de scolaires sont au rendez-vous, collégiens et lycéens, nez collés sur leurs tablettes et portables. A la bonne saison, de Tardets-Sorholus à Bayonne, destination plages et animations. Régulièrement, se côtoient des patients en mal de soins médicaux spécialisés (rendez-vous à l’hôpital de Saint-Palais et sur la Côte), de même que des personnes désireuses de se laisser porter pour s’offrir un après-midi shopping en ville, un spectacle, une visite chez les enfants, petits-enfants, amis… D’autres, frappés de mobilité réduite, nécessitant de l’aide pour monter dans le car et en descendre, se retrouvent aussi dans cette petite vie communautaire qui finit par s’articuler avec le temps.
Le chemin est jalonné de quelques sites et éléments d’architecture remarquables: ruines du château de Bidache, forêt de Mixe, fermes pimpantes d’Amikuze, château-fort de Mauléon surmontant la Vieille Ville, clochers trinitaires, demeure des Trois-Villes, toitures de tuiles vieillies et d’ardoise… Bayonne, départ-arrivée près de l’Office de tourisme. Tardets-Sorholus, départ-arrivée près de la mairie et l’église, non loin de la place centrale où jadis, s’improvisaient de petits bals champêtres. Datée de janvier 1903, une reproduction photo en donne un aperçu touchant. On la trouvera à l’enseigne du restaurant-bar Les Pyrénées, à deux pas de la pharmacie, de l’épicerie-librairie et de l’Office de Tourisme dont le deuxième étage abrite un centre d’interprétation de la mythologie basque.
La Soule ne se rend pas
L’abime qui sépare Soule et BAB n’a sûrement jamais été aussi palpable. La province la plus excentrée du BAB, qui résiste de toutes ses forces et ne se rend pas, peine à vivre dans ses vastes et sublimes paysages. Les journées du 22-23 février, baptisées “Herri existentzia” (que l’on pourrait traduire par “De l’existence d’une nation”)(2) a d’une certaine façon, reflété l’exigence vitale exprimée par la Soule. Jean-Louis Davant y a donné une conférence sur le thème du Nationalisme français. (L’on y a aussi évoqué le statut de la Navarre et le rôle de l’Agglo). Ces 25 dernières années, les Souletins sont parvenus à reconstruire un pôle industriel à Mauléon, Viodos, Tardets. Mécanique de précision, aéronautique, usine de composants caoutchouc et polymères, y ont pris le relais de l’industrie de la chaussure disparue. Reste qu’à ce jour, très paradoxalement, les entreprises peinent à recruter. Le nom de René Elissabide (1899-1967) donné à la zone d’activités créée à l’entrée principale de Mauléon, évoque l’époque où cet infatigable industriel du cru inventa la fameuse “Pataugas”. La chaussure en toile et semelle caoutchoutée, fit son immense renommée en France et à l’étranger. Le périple des “3 Etche” qui, en 1955, s’élancèrent (à pied bien entendu), sur les routes de France pour la faire connaître, est resté célèbre. L’usine de René Elissabide dut malheureusement, fermer ses portes en 1965(3). L’espadrille aurait elle aussi, pu disparaître du tout au tout. Mais non, une poignée d’entrepreneurs conservent pignon sur rue, au prix d’une résistance forcenée dans un marché très difficile.
L’urbanisation à marche forcée
La Côte, elle, craque dans ses coutures, victime du double phénomène de “littoralisation” / “métropolisation”, doublée d’une artificialisation des sols apparemment imparable, d’ailleurs observable sur l’ensemble du littoral français. Son attractivité ne s’est jamais démentie depuis la deuxième partie du XIXe siècle, mais le bond en avant a été énorme, ces 20 dernières années. Urbanisation à marche forcée. Jusqu’à quand ? Et surtout, sous quelle(s) forme(s)? La commune rurale d’Urrugne qui en 2017, franchit le cap des 10.000 habitants sur ses quelque 5.000 hectares, pourrait être considérée comme le principal poumon vert de la Côté basque. Il lui faudra donc “sanctuariser” son capital, dans une pression ambiante qui ne semble pas devoir s’alléger de sitôt. Question récurrente posée : comment gérer ces nouveaux flux humains, financiers, marchands, urbanistiques et immobiliers, prêts à défigurer et étouffer la Côte, tout en se déversant sur les zones attenantes de l’arrière pays ? L’enjeu est énorme. Villefranque, Ustaritz, Cambo, Souraide, Saint-Pée-sur-Nivelle… La campagne électorale aura permis de mesurer à quel point la gestion de l’espace, doublée de l’élaboration des PLU (Plans locaux d’urbanisme), est devenue le pire casse- tête possible pour les élus devenue la proie de pressions contradictoires. Question absolument prégnante. Sur ses presque 15 Km2, Tardets-Sorholus (1049 habitants au recensement de 1881, 548 en 2019, densité 38 habitants) est, elle aussi, concernée. Lors de la dernière séance dirigée, par le maire sortant (décidé à passer la main), il a été notamment question d’un projet de viabilisation (8 lots) sur un terrain acquis par la commune, désireuse d’attirer et fixer de nouveaux résidents…
(1) Le réseau Txik Txak Le Car Express compte 8 lignes principales (liaisons avec Hendaye et le Pays Basque intérieur). Il est pris en charge par le Syndicat des mobilités. www.communauté-paysbasque.fr
(2) Journée de réflexion/animation à Tardets: conférences, débat, repas partagé, bertsu, concert… [email protected]
(3) La marque a été relancée hors Soule il y a quelques années, par une société française qui assure produire et commercialiser du Made in Europe.
Egün hon,
J’ai connu A Marie Bordes, dans une lutte célèbre en Soule.
Sa capacité à » expliquer » tout ce qui concerne notre pays ne faiblit pas…
Comment lui exprimer l’extrême nécessité non de son aide mais plutôt de sa contribution, pour la lutte que nous voulons mener contre la désertification de l’Est de notre Pays… dans » l’Intérêt Géneral d’Eüskal Herria » ?
Adeitasunez,