L’adoption d’un projet de loi anti-avortement par le gouvernement de Mariano Rajoy a sonné comme un terrible rappel de ce que les droits des femmes ne sont jamais acquis. A nouveau resurgit un passé peu glorieux où l’interruption de grossesse est soumise à un réel danger pour la vie de la mère, ou consécutive à un viol qu’il faudra prouver.
Les milieux conservateurs catholiques ne sont pas satisfaits parce qu’à leurs yeux, la future loi ne va pas assez loin, l’invocation possible de troubles psychologiques attestés par deux médecins, pourrait permettre encore des avortements légaux. Les quotidiens ABC et La Razon tout en y voyant des avancées positives, dénoncent un dispositif insuffisamment répressif. Les manifestations se multiplient dans l’état espagnol, et à nouveau les femmes vont descendre par milliers dans les rues pour défendre le droit à une maternité choisie.
Du « droit à la vie » au droit à une avortement clandestin
La Conférence épiscopale espagnole vient donc de marquer un point pour, disent les évêques, le droit à la vie. Ce “droit à la vie” sera en fait le droit à un avortement clandestin, comme il y a trente ans, quand on estimait à 100 000 par an, les interruptions de grossesse illicites. Pour d’autres femmes, plus fortunées le voyage vers la France ou l’Angleterre était la solution. A nouveau, le cycle de la débrouillardise, de l’angoisse, du risque va reprendre ses droits. L’objectif du “droit à la vie”, ne sera pas donc atteint, car de toute façon quand une femme ne veut pas d’enfant, elle met un terme à la grossesse quitte à mettre sa vie en danger. Et cela depuis des temps immémoriaux. La seule satisfaction de la Conférence épiscopale réside peut-être là au fond. Ces pécheresses après tout paieront le juste prix de l’acte qu’elles commettent, c’est une forme de morale qui a toujours séduit le monde catholique.
D’autres atteintes irréversibles au « droit à la vie »
Si l’Eglise savait se montrer irréprochable en matière de mœurs, on pourrait un tant soit peu comprendre sa position au sujet de l’avortement, mais l’Eglise a l’outrage à la pudeur très sélectif. Ces mêmes évêques ont couvert les pires dérives du clergé faisant preuve d’une mansuétude horriblement coupable pour les violeurs de petits enfants. Implacable quand il s’agit des femmes, la morale catholique est à géométrie variable quand il s’agit de poursuivre et de condamner des actes autrement plus graves qui constituent pourtant des atteintes irréversibles au “droit à la vie”. Car que devient-on après un viol perpétré par une personne adulte qui a autorité ? Ce sont des plaies qui ne se referment jamais, qui hantent la vie d’adulte, qui compromettent l’équilibre psychique, qui détériorent le rapport à l’autre… Et, dans combien de cas cela s’est-il achevé par un suicide ? D’autant que les rares qui ont tenté de le dénoncer se sont à chaque fois heurtés à ce mur de la honte, celui du silence de l’église bien-pensante ! Et là, on ne les entend pas les monsignori, les papes François, ou si peu… certes nous avons droit à de petites repentances sous la pression de l’opinion publique, mais juste du bout de la crosse, comme pour mettre un terme à un scandale des plus infâmes.
Choix de ne pas avoir recours à l’avortement
Un embryon de quelques semaines est à leurs yeux, un être humain à part entière et il doit donc bénéficier d’une protection absolue. Mais un gamin ou une gamine, bien réel et bien vivant n’a lui ou elle qu’un intérêt très relatif puisque l’on peut jouer avec sa vie, sans que cela n’entraîne de réaction de la part des mêmes. Dans cette Espagne des congrégations qui se lève actuellement pour priver les femmes du droit à disposer de leurs corps, combien ont fermé les yeux ou pire participé à ces pratiques lamentables ? Leurs petites victimes n’avaient aucun choix, quand les femmes catholiques ont celui de ne pas avoir recours à l’avortement si elles veulent être en phase avec la doctrine de leur église. Car il s’agit d’imposer ce qui relève d’une religion, à tout un pays, au nom d’une vision spirituelle qui ne concerne que ceux ou celles qui le veulent bien.
C’est la place des femmes qui est en cause
On croyait ce passé révolu, on imaginait naïvement que le fait religieux s’arrêtait à la porte des établissements de toutes les confessions, mais non, une fois encore leurs croyances envahissent nos espaces de liberté ! Les religions monothéistes ne s’organisent que pour ériger les droits des hommes de manière absolue et il n’est pas neutre que leur plus grande bataille soit celle de la procréation. Le droit de choisir le moment d’être mère donne aux femmes un pouvoir qui est insupportable à ces hommes en robes, un pouvoir qui conteste le système patriarcal qu’ils ont cultivé pendant des siècles. C’est donc la place des femmes qui est en cause, femmes qu’il convient de maintenir subalternes, et asservies… Il en va de l’ordre social, et de la prééminence masculine nécessaire selon eux à toute société humaine et dont leurs cercles entièrement masculinisés sont de tristes reflets !