Avec cette journée de désarmement d’ETA programmée pour le 8 avril, une étape historique sera franchie. Une étape, assurément, mais certainement pas l’aboutissement du nécessaire processus de paix. La situation des preso, la reconnaissance des victimes, seront les prochains combats à gagner.
A l’occasion du forum pour la paix organisé par Bake Bidea à Biarritz, Mixel Berhocoirigoin a confirmé que, face au silence des autorités françaises, la société civile procédera au désarmement d’ETA le samedi 8 avril.
Au lendemain du 8 avril, ETA sera une organisation désarmée. La dimension historique de cette annonce n’échappe à personne. L’étape historique qui sera franchie le 8 avril doit être mise en perspective au regard du contexte politique global que nous vivons.
Car, en parallèle à la tenue du forum pour la paix à Biarritz, une seconde actualité a marqué ce week-end du 18 et 19 mars, c’est celle des consultations organisées par Gure Esku Dago en Hegoalde, et auxquelles ont participé des milliers de citoyen-ne-s.
Lors du forum de Biarritz, la question de savoir si les Etats français et espagnol ne préfèreraient pas que le désarmement d’ETA ne se fasse pas a été posée à plusieurs reprises.
Malheureusement, la réponse saute aux yeux: Paris et Madrid ne veulent pas d’un désarmement ordonné et supervisé par des experts internationaux. A défaut de pouvoir procéder eux-mêmes, par la voie policière, au désarmement d’ETA, ils préfèrent qu’ETA garde ses armes.
Portée politique considérable
Ce constat est assez terrible, mais il s’explique par le contexte politique. L’Etat espagnol traverse aujourd’hui une des plus graves crises institutionnelles de son histoire contemporaine, avec une confrontation à l’indépendantisme en Catalogne qui atteint son paroxysme.
Madrid ne veut surtout pas qu’un second front s’ouvre en Pays Basque, et pour éviter cela, le PP maintient une stratégie qui a un double volet : d’une part, bloquer toute avancée dans la résolution du conflit pour neutraliser la gauche abertzale dans sa capacité d’initiative sur le processus souverainiste, d’autre part, maintenir le PNV dans le giron de l’autonomisme, par le biais d’accords de gestion.
Afin d’éviter qu’une nouvelle phase politique articulée autour du droit à l’autodétermination ne prenne trop de force également en Hegoalde, l’Etat espagnol utilise tous les prétextes pour continuer d’alimenter les paramètres (en particuliers ceux de la répression policière et judiciaire) liés à la phase précédente de confrontation armée, en bloquant le processus de résolution, et en maintenant le statu quo sur des dossiers comme le désarmement.
ETA a déclaré la fin de sa lutte armée au lendemain de la conférence d’Aiete. On peut considérer que son désarmement ne change rien de fondamental à la donne actuelle, mais il revêt cependant une portée politique et historique considérable.
L’initiative de Louhossoa a ouvert des perspectives au regard du contexte de blocage actuel, car les “artisans de la paix” ont clairement positionné le désarmement comme un levier pour faire avancer l’ensemble des autres éléments de la résolution.
La mobilisation de la société civile d’Iparralde a été impressionnante. Impressionnante aussi, la détermination affichée lors de l’annonce de la journée du samedi 8 avril à l’occasion du forum de Bake Bidea à Biarritz.
Nous devons tous et toutes participer massivement à cette journée du 8 avril.
Car en procédant au désarmement total d’ETA, l’enjeu n’est ni plus ni moins que de faire tomber le mur du statu quo érigé par les Etats français et espagnol, et de réarmer le processus de résolution du conflit dans sa globalité.
Triple engagement
Ainsi, la participation à cette journée du 8 avril impliquera un engagement humain, mais aussi politique et éthique envers les autres aspects de la résolution du conflit.
Un engagement humain vis-à-vis des prisonniers politiques qui croupissent encore dans les geôles françaises et espagnoles, avec une pensée toute particulière pour Oier Gomez, dont le maintien en détention, alors que son état de santé est extrêmement préoccupant, est révoltant.
Un engagement humain, par rapport à la reconnaissance des victimes, qui doit prendre en compte celle des deux camps, c’est-à-dire aussi celui des victimes de la répression policière, des victimes de la torture, de la guerre sale…
Un engagement politique, car le meilleur hommage que l’on puisse rendre à toutes les victimes consiste à faire en sorte que ce qui s’est passé ne puisse se reproduire.
Désactiver les facteurs qui ont engendré et alimenté le conflit : c’est cette même nécessité qui donne également sa dimension politique à la question des prisonniers.
Il n’y aura pas de paix en Pays Basque tant qu’il existera des prisonniers, parce qu’ils incarnent, en chair et os, la persistance du conflit.
L’Etat espagnol traverse aujourd’hui
une des plus graves crises institutionnelles
de son histoire contemporaine,
avec une confrontation
à l’indépendantisme en Catalogne
qui atteint son paroxysme.
Imaginons un instant les conclusions politiques que tireront les générations à venir de jeunes abertzale, si elles constataient qu’au final, la fin unilatérale de la lutte armée, n’aura débouché sur aucun autre résultat que celui de la confirmation du cynisme de deux Etats qui auraient maintenu en l’état leur politique carcérale. Et cet effet-là est peut-être déjà en gestation. Car, quoi qu’on en pense, et quoi qu’on en dise, je crois que les incidents qui ont eu lieu ces derniers temps dans les campus d’Hegoalde sont l’expression d’un malaise qui gagne une partie de la jeunesse abertzale.
Le week-end du 18-19 mars a ainsi été marqué par une troisième actualité : celle de la manifestation de Renteria, organisée par les parents des jeunes incarcérés après les échauffourées de Pampelune et qui avait pour slogan : “en faveur d’un avenir pour nos fils et filles”… Pour moi, c’est là que se situe la dimension éthique de notre engagement dans la journée du 8 avril : tourner définitivement la page du conflit, c’est ouvrir un autre avenir à nos enfants. Alors qu’une figure historique de l’IRA, Martin Mc Guiness, vient de décéder, personnellement, je participerai à la journée du 8 avril en passant aux paroles de Bobby Sands : “notre revanche sera le rire de nos enfants” !
Xabi, si tu penses que Bobby Sands aurait « rendu les armes », je te conseille de lire le livre « Bobby Sands jusqu’au bout », éditions Cetim.
Mikel