Le sixième Forum international sur les grands projets imposés et inutiles (GPII) s’est tenu du 15 au 17 juillet à Bayonne. Organisé par le Cade, Bizi, Attac et le Comité local de soutien à Notre Dame des Landes, il a rassemblé 150 militant-e-s venu-e-s de plusieurs pays européens. C’est un véritable choix de société qui sous-tend la contestation de tous ces grands projets inutiles.
Une politique de transition et de reconversion sociale et écologique crée beaucoup plus d’emplois, durables, utiles, non délocalisables et disséminés sur tout le territoire.
Des catalans et aragonais contre les autoroutes électriques, des allemands, anglais, italiens ou basques opposés aux LGV, les militant-e-s luttant contre l’aéroport de Notre Dame des Landes ou le barrage de Sivens, des collectifs refusant des méga-centres commerciaux, des incinérateurs, des fermes usines, des projets de golf ou d’autoroute, se sont retrouvés à Bayonne pour ce sixième forum international.
Mutualisation des expériences, échanges d’informations et de conseils, affutage des argumentaires, réflexions stratégiques, cette rencontre d’“opposants” s’est paradoxalement illustrée par une forte capacité à “proposer” d’autres choix d’investissements, une autre vision de la démocratie, un autre projet de société.
Toujours plus vite dans le mur
Les grands travaux d’aménagement, les grands projets industriels et commerciaux rencontrent d’autant plus de résistance qu’ils incarnent une fuite en avant vers le précipice. Comme l’illustrait le slogan “LGV toujours plus vite dans le mur!”, les GPII aggravent l’épuisement des matières premières et énergies non renouvelables, l’artificialisation des sols, la crise de la biodiversité et la production de déchets non recyclables.
Ce faisant, ils s’inscrivent dans une logique dépassée, datée d’une époque où l’on se pensait dans un monde sans limites, aux ressources inépuisables. Les temps ont changé, on a désormais conscience de la “finitude” de notre planète. Nous touchons du doigt les premières conséquences dramatiques de cette religion de la croissance sans fin sur le climat, la biodiversité et la qualité de nos vies.
Vouloir poursuivre, par des infrastructures à la durée de vie de plusieurs décennies, un modèle aussi destructeur est d’autant plus grave qu’il engloutit les sommes énormes dont on a justement besoin pour financer la transition vers un modèle plus soutenable, compatible avec les grands équilibres et les limites de notre planète.
Les opposants aux GPII veulent avoir le choix. Le débat public tel qu’il est actuellement proposé ne permet que d’être contre la LGV Bordeaux-Hendaye ou l’aéroport de Notre Dame des Landes. Pourquoi ne discute- t-on jamais de ce que l’on pourrait faire avec les milliards d’euros avalés par ces projets- là ?
Les alternatives existent
Nous aurions, dès lors, non plus des opposants aux GPII, mais des partisans d’une politique ambitieuse de rénovation et d’isolation des logements, de reconversion vers une agriculture paysanne et durable, du développement des transports collectifs de proximité et des modes doux de mobilité, d’énergies renouvelables, de mise en place de ressourceries et d’ateliers de réparation ou de recyclage etc. Cette autre vision des investissements souhaitables correspond aussi à une autre vision des emplois qu’ils peuvent créer. Le Forum de Bayonne l’a bien démontré : les emplois créés par les GPII sont systématiquement moins nombreux que les chiffres annoncés au moment des enquêtes publiques, souvent éphémères, précaires, centralisés sur des sites précis. Une politique de transition et de reconversion sociale et écologique créé, quant à elle, (comme le démontre l’étude 10.000 emplois climatiques en Pays Basque Nord réalisée par Bizi en 2015) beaucoup plus d’emplois, durables, utiles, non délocalisables et disséminés sur tout le territoire. Les opposants aux GPII sont également partisans d’une démocratie plus exigeante, plus participative. Ils plaident pour une démocratie sociale où les populations participeraient beaucoup plus directement aux grands choix d’investissements et d’infrastructures, aux “décisions majeures nous engageant collectivement pour des décennies”.
Choix de société
Ils sont en fin de compte porteurs d’un autre imaginaire, d’une autre vision, d’autres valeurs. Julien Milanesi était l’un des intervenants du Forum de Bayonne. Lui et d’autres ont hélas perdu leur combat contre le projet d’autoroute Pau-Langon, qui a été construite malgré leur résistance. Six ans après, l’histoire leur donne raison. C’est un fiasco économique, l’autoroute n’est ni fréquentée ni rentable. Julien Milanesi ne regrette donc rien de son combat et explique qu’il n’était pas mu par un “égoisme de riverain” mais par une autre vision du monde, de la société, de la vie : “Pense-t-on qu’on peut continuer comme avant, avec les mêmes projets, en comptant sur la compensation environnementale pour limiter l’impact sur la biodiversité, sur le progrès technique pour réduire les émissions de CO2, sur la géo-ingénierie pour modifier le climat s’il venait quand même à s’emballer et, en dernier recours, sur le transhumanisme pour adapter l’homme à une planète qui ne serait plus vivable ? Ou, au contraire, pense-t-on que les enjeux écologiques nécessitent un changement profond de nos façons de produire, de nous déplacer, de nous loger, de nous alimenter, pour insérer nos activités dans la biosphère (la planète), ses lois et ses limites ? Auquel cas les projets destructeurs de biodiversité, consommateur de terres agricoles et émetteurs de CO2 doivent être immédiatement stoppés.”
Parmi la liste d’invités, manquait à l’appel le seul représentant des pays des Suds: Action Contre la Corruption Guinée. Nous avions pourtant fait en sorte que Mr Talibe Diallo puisse venir, être accueilli, hébergé et ramené jusqu’aux portes de l’avion qui lui aurait ensuite permis de retourner dans son pays, comme à chaque fois qu’il a eu à le faire, pour les mêmes raisons…Mais non. Demande de Visa refusée, sans motif avancé par l’ambassade de France en Guinée. Juste un refus, histoire de bien se rendre compte que les enjeux sont là, nichés dans ces mots: « Action Contre la Corruption ». Un grand merci à l’ambassade de France, donc, de nous fournir cet éclairage blafard sur les causes réelles du désastre en cours, ici et ailleurs.
C’était un beau forum, festif, constructif, stimulant…Merci le CADE, BIZI!, Attac, La Nautique, les copains, le Patxoki, bref, merci à toutes et à tous. Le prochain forum, on le fait en Guinée?