Voici un retour lié à la lecture du dernier livre du sociologue Hugo Palheta afin d’en partager la vision politique en y apportant cependant un bémol sur l’utilisation du mot “fasciste”. Aussi, sur l’adaptation de la situation au Pays Basque.
La période est pour le moins confuse. Le champ politique dans l’Etat français a été profondément bouleversé en peu de temps ainsi que dans nombre de pays d’Europe ou sur d’autres continents. Le besoin de boussole, de réflexions pour s’orienter dans l’action politique est criant. Un ouvrage (La possibilité du fascisme : France, la trajectoire du désastre) publié par le sociologue Ugo Palheta(1) nous parle d’une “crise de la domination politique” et des brèches ainsi ouvertes pouvant favoriser l’accès au pouvoir de l’extrême-droite, encore impensable il y a quelques années en France mais déjà en route dans plusieurs pays et non des moindres comme l’Italie.
Son analyse part du projet néolibéral, dont le but est d’en finir avec les conquêtes sociales et démocratiques du XXème siècle afin de relancer la rentabilité du capital par la marchandisation généralisée de toutes les activités humaines et de la nature. Projet déjà ancien à l’échelle du monde (premiers essais grandeur nature dans l’Amérique latine des années 70 suivis du déploiement dans les années 80 avec Reagan et Tatcher notamment), il s’est imposé sans complexe en France avec Sarkozy, poursuivi malgré quelques gènes aux entournures par Hollande pour revenir triomphant avec Macron. Pour l’auteur cela produit une situation inédite marquée par une confrontation entre l’extrême-centre néolibéral et l’extrême- droite néofasciste après plusieurs décennies qui voyaient une “alternance sans alternative” entre un PS de gouvernement converti au social-libéralisme et une droite de plus en plus décomplexée façon Sarkozy.
Réaction populaire
L’auteur souligne aussi des éléments paradoxaux de cette situation nouvelle. La réaction populaire à la montée de l’extrême-droite est inversement proportionnelle à cette dernière comme par une effet d’habitude (on se rappelle les mobilisations entre les deux tours de la présidentielle en 2002, absentes en 2017). De même l’hypothèse d’une arrivée au pouvoir de cette extrême-droite et ses conséquences ne sont pas prises au sérieux ou bien elles sont minimisées, alors que les exemples se multiplient en Europe ou ailleurs. L’auteur utilise le mot fasciste (toujours discutable par risque d’analogie avec des périodes très différentes) pour désigner cette extrême-droite qui porterait “un projet de purification ethno-raciale et de purge politique : débarrasser la nation des éléments qui l’éloigneraient de son essence (minorités ethno-raciales, minorités religieuses), et d’autre part des mouvements de contestation syndicaux, politiques, associatifs, artistiques qui génèrent de la division en son sein ».
Consentement des dominés
Pour tenter d’expliquer pourquoi ce projet a aujourd’hui le vent en poupe, le sociologue définit la période par une crise d’hégémonie en référence au concept développé par Gramsci. A savoir une situation où les classes dominantes n’arrivent plus à “convaincre la majorité de la population du bien-fondé des politiques menées.” Le consentement des dominés à la domination sociale de la bourgeoisie est de plus en plus fragile (on pense évidemment à la crise des Gilets jaunes pour le cas de la France). Parallèlement et c’est là que les choses sont très préoccupantes, il n’y a plus en face de contre-projet puissant, organisé comme par le passé avec les mouvements syndicaux, et les gauches toutes tendances confondues qui sont aujourd’hui en crise.
Cette situation de gouvernement sans le consentement de secteurs toujours plus larges de la société explique la dérive autoritaire en France comme ailleurs (lois restrictives des libertés, surveillance de masse, violence policière…). A une légitimité affaiblie des gouvernants, la répression sert de béquille. Et quoi qu’en dise Macron qui se pose en rempart contre l’extrême-droite, cette dérive le renforce en légitimant son projet présenté comme le plus à même de défendre l’ordre et la sécurité. Idem pour le racisme, alimenté par les politiques répressives contre les migrant-e-s. “Les gens préfèrent l’original à la copie” disait déjà Le Pen à la droite dans les années 80.
Quoi qu’en dise Macron
qui se pose en rempart contre l’extrême-droite,
cette dérive le renforce
en légitimant son projet
présenté comme le plus à même
de défendre l’ordre et la sécurité.
Idem pour le racisme,
alimenté par les politiques répressives contre les migrant-e-s.
“Les gens préfèrent l’original à la copie”
disait déjà Le Pen à la droite dans les années 80.
La boucle est bouclée et le piège se referme. Les politiques néo-libérales de destruction des acquis sociaux, des services publics ou de la protection sociale provoquent aujourd’hui un séisme dans le champ politique avec une crise de la domination alors que l’espoir d’une amélioration de leur situation a disparu pour de larges secteurs de la société. Des brèches s’ouvrent alors, dans lesquelles s’engouffre l’extrême-droite. Reste à savoir si tous ceux et celles qui recherchent autre chose, tous les gens forts nombreux qui se mobilisent sur différents terrains et de différentes manières, qui ne font plus confiance à la gauche sociale-libérale ou aux bureaucraties syndicales trop liées au système feront émerger une alternative. Au Pays Basque, Nord ou Sud, d’autres paramètres sont présents qui modifient certains aspects de l’analyse et posent différemment la question de l’alternative politique mais le décors général est le même. C’est ce dernier qui donne un relief particulier à la séquence de mobilisations contre le G7.