Malgré les obstacles, le président du conseil exécutif de Corse espère aboutir.
« Le discours [d’Emmanuel Macron] a ouvert une perspective qui est importante. Bien sûr, j’aurais aimé que son discours aille plus loin sur un certain nombre de points, mais je retiens quand même qu’il a acté des choses importantes qui vont nous permettre de passer résolument et avec optimisme dans la deuxième phase du processus.
Je ne peux pas être pleinement satisfait puisque mon objectif est bien sûr de faire prendre en compte la délibération qui a été votée par 46 voix sur 63 par l’Assemblée de Corse le 5 juillet dernier.
On ne peut pas parler d’autonomie sans pouvoir législatif. Mais je pense qu’il y a dans le discours du président la perspective de création d’un pouvoir législatif au profit de l’Assemblée de Corse, puisque le président de la République a bien parlé d’un pouvoir normatif qui serait à la fois un pouvoir d’adaptation. Là, nous sommes dans un pouvoir réglementaire. Mais également d’un pouvoir normatif soumis au contrôle du Conseil constitutionnel, et dans ce cas cela veut dire que nous sommes dans un pouvoir législatif. Reste maintenant bien sûr à faire préciser ces points précisément dans le cadre de la deuxième phase du processus (…).
Le fait majoritaire
Deux volets sont indissociables. Le premier est qu’il faut que l’État prenne en compte le fait majoritaire. C’est la démocratie. Et la légitimité historique de notre combat. Il y a une légitimité démocratique à travers le vote des Corses et une légitimité institutionnelle à travers le vote de la délibération. Cette délibération doit être prise en compte le plus largement possible, c’est le travail auquel nous allons nous astreindre. J’ai toujours dit, y compris avant le processus ouvert en mars 2022, que notre responsabilité historique, la mienne, celle de tous les nationalistes, c’est de construire la Corse et donc l’autonomie avec tous les Corses. Donc nous allons aller vers les autres forces politiques, pas seulement celles qui siègent à l’Assemblée, l’ensemble des forces politiques. Nous allons aller vers les forces vives, les acteurs économiques, les organisations syndicales, la jeunesse bien sûr, le Conseil économique, social, environnemental et culturel représentant la société civile, pour construire une proposition de statut d’autonomie qui a vocation pour nous à être une autonomie de plein droit et de plein exercice.
« Notre responsabilité historique, la mienne, celle de tous les nationalistes,
c’est de construire la Corse et donc l’autonomie avec tous les Corses. »
Co-officialité des langues
Je note également que dans le discours du président, il y a une évolution extrêmement importante, c’est qu’il ne parle plus de lignes rouges. Donc je considère qu’il y a la possibilité y compris de faire prendre en compte des notions qui n’ont pas été mentionnées dans le cadre de son discours, je pense par exemple à la question du statut de la langue et à la co-officialité. J’y crois résolument, j’ai eu l’occasion, y compris de le dire avec des interlocuteurs gouvernementaux, la revendication de co-officialité c’est celle peut-être qui bénéficie du plus large consensus au sein de la société corse (…). La quasi-totalité du champ politique aujourd’hui en Corse est en faveur de la co-officialité. Du point de vue de l’efficacité, dès lors que Paris, et quelles que soient les forces politiques d’ailleurs, nous dit il faut un bilinguisme qui fonctionne, il ne peut pas y avoir de bilinguisme qui fonctionne pour une langue en situation minorée s’il n’y a pas un statut de langue officielle qui lui permette notamment de se développer dans l’espace public et qui lui permette également d’avoir un intérêt professionnel. Donc, nous allons aller vers ces débats qui nous attendent avec confiance et avec des arguments pertinents.
Aujourd’hui un espace s’est ouvert, c’est à nous, c’est aux Corses, à l’ensemble de celles et ceux qui veulent véritablement construire ce pays dans une logique de démocratie, de respiration, d’émancipation, dans une logique aussi de reconnaissance que nous sommes collectivement un peuple. C’est à nous tous donc, maintenant, de nous engager résolument dans cette deuxième phase du processus, et très sincèrement j’ai confiance ».
Paru dans l’hebdomadaire autonomiste Arritti, le 7 octobre 2023.