Situation bloquée, mais Xabi Larralde n’entend pas pour autant que la gauche abertzale fasse marche arrière. Elle doit s’inspirer des modèles Flamand, Ecossais et Catalan.
Suite à l’entrée en matière des débats au Sénat, la première tranche de la loi de décentralisation préparée par Marylise Lebranchu a été votée en première lecture au parlement. Après avoir suscité de nombreuses réactions, l’amendement de la sénatrice Frédérique Espagnac a été vidé de son contenu spécifique relatif au Pays Basque, pour déboucher sur la création d’un outil générique qui entend offrir une suite aux Pays: les Pôles ruraux de développement et de coopération. En parallèle, l’amendement en faveur d’une Collectivité territoriale à statut spécifique déposé par Colette Capdevielle a été balayé d’un revers de main lors des discussions à la commission des lois. Ainsi, au sortir des courses, après des mois de débats et de mobilisation en faveur de la Collectivité territoriale nous n’obtenons rien pour le Pays Basque.
Non seulement on nous refuse la Collectivité territoriale, mais le pouvoir parisien n’a même pas daigné bouger de sa position actuelle en mettant sur la table une proposition alternative. Il nous oppose le mépris le plus total ! Ainsi, aucune réaction officielle à la manifestation du 1er juin qui a quand même rassemblé 6.000 personnes à Bayonne. Les seuls commentaires d’un représentant de l’Etat qui ont été faits suite à cette mobilisation ont été ceux du sous-préfet Patrick Dalennes à l’occasion d’une interview accordée aux médias basques (voir Berria du 5 juillet). Cette attitude de mépris total est d’autant plus inacceptable qu’elle s’exprime dans le cadre d’un contexte politique historique pour Euskal Herria.
Large consensus
Pendant des années on nous a opposé deux prétextes pour habiller un non catégorique à toute forme de reconnaissance institutionnelle d’Iparralde: le manque d’un consensus assez large, et la question de la violence (celle d’un seul camp évidemment…). Aujourd’hui, ces deux prétextes n’existent plus. D’une part, on peut affirmer qu’avec la Collectivité territoriale jamais un consensus aussi large n’aura été formalisé autour d’un cadre concret de reconnaissance institutionnelle, et d’autre part, nous nous situons dans le contexte d’un processus de paix auquel ETA a contribué en déclarant l’arrêt définitif de ses actions armées.
Interrogé sur ce contexte politique qui n’a pas de précédent au regard des quarante dernières années, le sous-préfet se contente de répéter le refrain de Valls: la France n’a pas à s’engager dans un processus de règlement de conflit car il n’y a jamais eu de guerre en Pays Basque. Outre le fait de constater que M. Dalennes se permette d’affirmer du haut de son modeste poste de sous-préfet que les personnalités internationales de premier plan (Kofi Annan, Jonathan Powell, Gro Harlem Brundtlan, Pierre Joxe,…) qui ont diagnostiqué lors de la Conférence d’Aiete l’existence d’un conflit en Pays Basque et demandé l’implication de la France dans son règlement, ont tort sur toute la ligne, on ne peut s’empêcher de formaliser l’argument implicite qui se cache derrière ses propos: il nous aurait fallu par le passé plus d’attentats, plus de morts etc. pour que nous sentions la nécessité de participer à un quelconque processus de paix.
Cynisme froid
L’exposé froid du cynisme dont est revêtue la raison d’Etat est d’une violence qui laisse sans voix… De tels propos, ainsi que les actes qui, de la question institutionnelle à l’épisode de l’Ikastola d’Hendaye, réaffirment un mépris total vis-à-vis du Pays Basque, constituent des réponses mortifères et la pire des pédagogies à l’adresse des jeunes générations sur la propension d’un Etat comme la France à prendre en compte des revendications démocratiquement exprimées.
« Ce qui est en train de se passer en Ecosse, en Flandre ou en Catalogne
nous démontre que nous nous situons à un moment clé de l’histoire
dans lequel l’activation de dynamiques sociales puissantes
assises sur une accumulation des forces large
ne nous a jamais autant rapproché de l’obtention du droit à l’autodétermination de nos peuples »
Pour autant, la Gauche abertzale ne fera pas marche arrière dans sa stratégie politique actuelle, car, d’une part, ce qui est en train de se passer en Ecosse, en Flandre ou en Catalogne nous démontre que nous nous situons à un moment clé de l’histoire dans lequel l’activation de dynamiques sociales puissantes assises sur une accumulation des forces large ne nous a jamais autant rapproché de l’obtention du droit à l’autodétermination de nos peuples, et parce que nous sommes convaincus, d’autres part, que la société basque elle-même recèle assez de force et de potentiel pour arracher en Hegoalde comme en Iparralde le droit de décider des statuts politiques dont elle entend se doter. Le combat continue, et nous n’avons d’autre issue que de le gagner !