François Alfonsi, ancien député européen, président de l’Alliance libre européenne (ALE), directeur de publication d’Arritti
On imaginait que ce serait un score étriqué, ou, encore une fois, un bon résultat mais sans la « gagne ».
Jamais, même dans nos rêves, on n’avait pensé possible de progresser de vingt mille voix entre deux tours, de 32.000 à 52.000 électeurs. Ces milliers de Corses ont, en ce 13 décembre 2015, écrit une page glorieuse de l’histoire de la Corse. Cette poussée de l’électorat nationaliste entre les deux tours est un phénomène politique d’une ampleur rare et considérable.
Il va bien au-delà d’une union réussie de deux démarches nationalistes.
Il exprime en fait la force et l’énergie que la liste Pè a Corsica a réussi à libérer au sein du peuple corse.
Dans ce regroupement, il y a beaucoup d’électeurs des listes qui, avec Jean-Charles Orsucci et Manu de Gentili, avaient pris conscience que le système ancien devait être revu de fond en comble. Il y a certainement aussi l’essentiel de ceux qui avaient soutenu la troisième liste nationaliste. Mais il y a plus que ça.
Cette participation qui enfle de façon aussi impressionnante, ces jeunes qui ont afflué par centaines dans les bureaux de vote, ont une signification qui va bien au-delà de la rationalité d’une comptabilité électorale.
C’est une vague de fond qui s’est levée. Le peuple corse a déclaré sa foi en l’avenir de son pays, la Corse. Il a confié à la liste Pè a Corsica une responsabilité énorme. Et il a signifié aux tenants de l’ancien système qu’ils devaient s’effacer et faire place à une Corse nouvelle.
Le vote nationaliste du 13 décembre n’a rien d’un vote de désespoir comme peut l’être celui qui se porte, ici ou ailleurs, sur le Front National. C’est un vote d’espoir, un vote d’envie et non un vote de protestation.
Le vote nationaliste du 13 décembre
n’a rien d’un vote de désespoir
comme peut l’être celui qui se porte,
ici ou ailleurs, sur le Front National.
C’est un vote d’espoir, un vote d’envie
et non un vote de protestation.
Plus personne n’avait envie d’une Corse à la Giacobbi ou à la Rocca Serra, même pas ceux qui, par habitude ou par obligation, ont voté pour eux. Par contre, l’union décidée par les deux listes nationalistes a répondu à une attente et cette liste, ses porte-parole, tous ses candidats, ont su, meeting après meeting, porter la parole que le peuple attendait.
L’expression démocratique du peuple corse a été libérée des entraves. Elle n’y retournera pas de sitôt!
C’est en ce sens que ce vote du 13 décembre 2015 a une portée historique. Il n’y aura pas de retour en arrière. Tant que les autorités de l’Etat français n’auront pas admis et reconnu les droits du peuple corse et tant que nous serons dignes de la confiance qui nous a été apportée, le mouvement commencé dimanche ira crescendo. La majorité relative d’aujourd’hui deviendra plus large jour après jour, car aucune autre force politique ne sera en mesure de capter l’envie d’avenir du peuple corse.
C’est dire la responsabilité qui est la nôtre aujourd’hui. Cinquante après les premiers combats, quarante ans après Aleria, trente ans après le premier statut particulier, vingt ans après les drames et les affrontements entre nationalistes, dix-huit mois après l’annonce de l’arrêt de la violence clandestine, une nouvelle ère commence aujourd’hui, car nous avons démontré que
la voie démocratique était en mesure de donner toute sa force à la revendication nationale corse.
Arritti, qui fête le quarante neuvième anniversaire de son existence en ce mois de décembre, est fier de ce qui a été accompli durant toutes ces années. Le peuple corse est debout, comme le lui demandaient ceux qui avaient décidé d’appeler ainsi notre journal.
Démocratiquement, en ce 13 décembre 2015, il a décidé de choisir son destin.