En démissionnant de la présidence de l’Acba (agglomération Cote basque Adour), face à l’opposition des quatre autres maires (1), Jean-René Etchegaray a fait de la création d’un EPCI unique Pays Basque un véritable enjeu politique.
En stratège, il place d’un même mouvement ses adversaires dans l’obligation d’offrir une alternative institutionnelle et lui-même en tête de proue d’un projet auquel adhèrent déjà 70% des municipalités d’Iparralde. Il y avait jusqu’ici une sorte de processus quasi administratif pour avis auprès des Conseils municipaux basques avec le préfet à la baguette. De quoi laisser songeurs les abertzale habitués à la confrontation avec l’opinion publique, les élus locaux et l’Etat.
Désormais, une opposition à l’EPCI unique prend forme. Après le rejet, elle tend à s’organiser, à élaborer une contre proposition dont elle doit convaincre de sa pertinence. Allons voir de plus près.
D’abord, le pôle métropolitain, qui serait la fédération des intercommunalités du Pays Basque de nos quatre maires de l’Acba, n’est en rien le plan B de l’EPCI du préfet déjà proposé pour avis au vote des 158 Conseils municipaux.
Le vote définitif des communes, entre le 14 mars et le 31 mai, ne portera que sur le texte déjà soumis à l’automne dernier puisque aucun amendement n’y a été apporté lors de la dernière commission départementale de coopération intercommunale réunie à l’Université de Pau le 26 février.
Aucun maire de l’Acba ni d’Amikuze, dont Barthélémy Aguerre qui avait pourtant proposé, sans succès, à la précédente commission départementale le détachement d’un morceau de territoire basque pour l’agréger à un pan du Béarn, n’ont avancé la moindre suggestion.
Leur pôle métropolitain, qu’ils dénomment comme Batera pour l’EPCI Communauté Pays Basque, pour se prémunir de tout anti-basquisme et brouiller les concepts, reste donc une vision hors sol à usage d’un débat sans sanction de vote.
Si cependant leur capacité de nuisance venait à renverser le premier vote indicatif de l’automne, seul, comme le prévoit la loi NOTRe, le préfet serait à même de proposer une alternative au rejet de l’EPCI unique.
Comme la loi fixe un plancher de 15.000 habitants à une EPCI, le préfet n’a pas caché ses préférences pour un Pays Basque à trois ou quatre intercommunalités.
Le projet de nos quatre maires n’a donc aucune prise sur le réel. Par ailleurs, où est la cohérence de ceux qui s’opposent à l’EPCI unique pour sa complexité de gestion alors qu’ils proposent une strate supplémentaire au fameux mille-feuilles tant brocardé? Croient-ils simplifier la vie de l’élu local en lui demandant de siéger dans sa commune, puis à son intercommunalité, puis, en plus, à la fédération des interco?
S’il est vrai que l’EPCI unique n’est pas encore élu au suffrage universel, il s’y rattache cependant par la désignation de ses membres sur le bulletin de vote des municipales. Alors que les délégués à la fédération de nos opposants sont désignés entre élus des interco. On voit bien comment se dilue ainsi la légitimité démocratique.
Enfin, il faut mettre à bas la soi-disant inégalité de représentation entre zones du Pays Basque au sein de l’EPCI unique. Le principe même d’une intercommunalité entraîne évidemment une difficile adéquation des populations entre communes. Prétendre, comme nous l’avons entendu des maires de la côte, comme celui de Bidart, que le Pays Basque intérieur est surreprésenté, c’est oublier qu’au sein même de l’Acba il faut deux biarrots ou angloys, ou bayonnais, pour un bidartar. Cela n’a pas été un obstacle à l’entrée, il y a peu, de Bidart et Boucau dans l’Acba. La chose publique est un terrain trop précieux pour s’y adonner à la polémique.
Ce qui demeure surtout d’essentiel dans le comparatif des deux projets institutionnels, c’est la capacité légale à s’emparer de la gestion globale du Pays Basque.
Principe majeur de la nouvelle organisation territoriale de la France est la suppression de la compétence générale aux départements et aux régions. Elle est désormais réservée aux communes et intercommunalités. Pour faire simple, région et département ne peuvent plus intervenir hors des domaines qui ne relèvent pas de leurs compétences spécifiques. La pratique, jusqu’ici largement utilisée, de projets portés et financés à la fois par la commune, le département et la région est caduque. La compétence générale, qui permet de s’ouvrir à toute action publique, est réservée aux communes et intercommunalités. Dans cet esprit, le Conseil des élus travaille depuis des mois à de multiples politiques publiques utiles au Pays Basque, transfrontalier, agriculture, tourisme, transports, santé… car elles préfigurent la gestion du futur EPCI unique. Cette capacité à s’emparer de tout sujet est impossible à la fédération des interco qui n’aura aucun pouvoir fiscal et pour objet unique celui délégué, au coup par coup, par les interco de base. On voit bien qu’il y a là, non pas une différence de degré entre l’EPCI unique et le pôle métropolitain, mais une différence de nature.
Bref, l’institution unique est infiniment supérieure aux structures multiples, même fédérées.
(1) Claude Olive, maire d’Anglet, Michel Veunac, maire de Biarritz, Emmanuel Alzuri, maire de Bidart, Francis Gonzalez, maire du Boucau.