Vers la gauche

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Enbata a-t-il contribué à faire évoluer Iparralde vers la gauche? Au regard de débats récents, certains répondront que non. Pour y voir plus clair, rappelons quelques faits.

Il est vrai que durant les toutes premières années d’existence du mouvement, avant 1964-1965, Enbata ne se reconnaît pas dans le clivage droite/gauche. La question nationale est prioritaire(1). Mais très vite les choses vont évoluer pour plusieurs raisons.

Iparralde est alors largement dominé par la droite représentée par des notables, des caciques fort réactionnaires. Enbata trouvera en eux son principal adversaire. De Guy Petit aux dynasties Grenet et Alliot- Marie, en passant par Inchauspe, Coumet, Dubosq, la liste est interminable. Un projet abertzale aussi novateur que radical ne pouvait qu’effrayer et heurter les conservateurs.

Très tôt, Enbata appuie les mouvements de grèves locales, en particulier à Hasparren dans le secteur de la chaussure. Le clergé et la bourgeoisie locale réagissent alors contre le mouvement abertzale avec une grande violence. Dans les combats écologistes qu’Enbata soutiendra, les adversaires sont pour la plupart des notables de droite et les forces de l’argent soucieuses de profits immédiats.

Dans son projet politique formulé au début des années 70, le mouvement ne dissocie pas libération nationale et libération sociale.

Basquistes et pouvoir préfectoral

Dès ses débuts, Enbata se déclare un mouvement laïque, il se démarque de l’Église. Dans le contexte de l’époque, il s’agit là d’un marqueur de gauche. L’hypothèse qui consistait à convaincre la démocratie chrétienne fortement euskaltzale vers un abertzalisme bon teint, ne fut qu’un mirage.

L’épisode de Michel Labéguerie est significatif à cet égard. Le journal Indar berri et le Mouvement démocrate basque furent un feu de paille. Des années plus tard, le PNV qui caressait ce même espoir, n’a guère obtenu de résultats probants. Enbata s’est opposé aux mouvements basquistes de droite ou du centre, Goiz argi d’Andde Luberriga ou Elgar ensemble lancé par Andde Darraïdou, avec pour définition “Etre basque en France et français en Pays Basque”. Ils vécurent ce que vivent les roses, l’espace d’un matin.

Le pouvoir parisien est également de droite dans les années 60-70, nationaliste français et centralisateur. Il s’opposera à Enbata sous la forme de nombreuses saisies du journal et autres procès, pour tenter de faire taire un à un tous ses dirigeants. Finalement, le ministre de l’intérieur du gouvernement Pompidou, Raymond Marcellin, interdira le mouvement en 1974.

De la fermeture de l’ikastola de Saint-Palais sous un prétexte fallacieux, aux manœuvres de la COB (Commission des opérations en bourse) qui mit des bâtons dans les roues de Herrikoa, en passant par les éloignements ou les expulsions des réfugiés, c’est toujours le préfet qui est à la manœuvre.

De telles expériences susciteront une approche très critique, une méfiance à l’égard des pouvoirs en place, en d’autres termes une forte culture d’opposition.

Tract-Enbata-Hasparren-2Émergence de la gauche

L’influence du Sud fut d’abord celle des premiers réfugiés politiques de ETA, fortement marqués à gauche. Leur volontarisme et leur activisme fascinaient, les fondateurs d’ETA et ceux d’Enbata appartenaient à la même génération.

La présence des réfugiés en Iparralde radicalisera et marginalisera l’abertzalisme au Nord ou au contraire légitimera, apportera un appoint, sera le déclic décisif, permettra d’atteindre la masse critique indispensable pour nombre de réalisations… le débat est ouvert.

En juin et septembre 1962, les analyses et propositions d’Enbata en matière agricole, sous la plume de Jean-Louis Davant, font référence aux travaux de Bernard Lambert et de Jean Pitrau, “ancêtres” des Paysans travailleurs, de la Confédération paysanne et d’ELB.

L’époque est celle de l’émergence de l’extrême gauche —avec la figure tutélaire d’un Jean-Paul Sartre qui soutient la violence révolutionnaire— et celle de la construction de la gauche traditionnelle qui arrivera au pouvoir en 1981.

C’est auprès de ces milieux qu’Enbata et ses succédanés obtiennent une écoute bienveillante dans certains domaines. Le PSU fut un allié précieux. Le socialisme autogestionnaire est alors une des pierres d’angle de la gauche en France. Enbata s’en réclamera officiellement, prolongeant ainsi son choix fédéraliste sur le terrain économique et social. Il prend fait et cause en faveur des luttes emblématiques des ouvriers de Lip et des paysans du Larzac.

Le journal Enbata appellera à voter en faveur du candidat de l’union de la gauche pour l’élection présidentielle de 1981.

A plusieurs reprises, Enbata publie les textes fondateurs du syndicat ouvrier ELA qui renouvelle son projet dans les années 70 et 80.

Les deux formations de gauche auxquelles Enbata s’affrontera constamment sont le PCF, toujours opposé au département Pays Basque et très réservé sur les ikastolas; et le SNI (Syndicat national des instituteurs) qui en 1990, qualifiait Seaska “d’école ségrégationniste à visée séparatiste”.

Au regard de tout cela, il paraît assez vain de situer Enbata à droite sur l’échiquier politique. Mais quelques-uns diront qu’il ne fut pas assez à gauche. Un pur trouve toujours un plus pur qui l’épure. Nous pouvons affirmer, à la lumière de ce parcours, qu’Enbata a contribué à faire évoluer nos trois provinces vers la gauche.

(1) Nuançons, un article dans Enbata numéro 5 de juillet 1961  (p.3) appelle à une alliance entre “ouvriers et paysans des travailleurs” et fustige le “capitalisme aveugle” et les “puissances d’argent”.

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